Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/62

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non pas sans remords ; mais le remords était venu plus tard, et moins d’un sentiment de pudeur profanée que de la crainte d’avoir déplu, et lorsqu’il était sorti du cercle de ses regards. Qu’ils étaient captivants, en effet, ces lents regards ! Il émanait d’eux une inexprimable caresse ; et quand ils se posaient sur vos yeux, bien en face, c’était comme un attouchement tendre, presque une volupté physique. Après des jours, Hubert se rappelait encore l’espèce de bien-être enivrant qu’il avait éprouvé dès cette première causerie, rien qu’à se sentir regardé ainsi ; et ce bien-être avait grandi aux entrevues suivantes, jusqu’à devenir aussitôt un véritable besoin pour lui, comme de respirer et comme de dormir. Mme de Sauve lui avait dit, en descendant du wagon, qu’elle était chez elle chaque jeudi, et il avait bientôt appris le chemin de l’appartement où elle habitait, dans la portion du boulevard Haussmann qui touche à l’Opéra. Dans quel recoin de son cœur avait-il trouvé l’énergie de faire cette visite dès le premier jeudi, qui tombait le surlendemain de leur rencontre ? Il avait été prié à dîner. Il se rappelait si vivement l’enfantin plaisir qu’il avait eu à lire et à relire l’insignifiant billet d’invitation, à en respirer le parfum léger, à suivre le détail des lettres de son nom écrites par la main de Thérèse.