Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/88

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nous ne savons rien qu’aimer, lorsque nous aimons. Du jour où je t’ai rencontré, en revenant de la campagne, je t’ai appartenu. Je t’aurais suivi où tu m’aurais demandé de te suivre. Rien n’a plus existé pour moi, rien, si ce n’est toi… Non ! » ajouta-t-elle avec un regard fixe, « ni bien, ni mal, ni devoirs, ni souvenirs. Mais peux-tu comprendre cela, toi qui penses, comme tous les hommes, que c’est un crime d’aimer quand on n’est pas libre ? »

— « Je ne sais plus rien, » répondit Hubert en se penchant vers elle pour la relever, « sinon que tu es pour moi la plus noble des femmes et la plus chère, »

— « Non ! laisse-moi rester à tes pieds comme ta petite esclave… » reprit-elle avec une expression d’extase. « Mais est-ce vraiment vrai ? Jure-moi que jamais tu ne diras de mal de cette heure. »

— « Je te le jure, » dit le jeune homme, que l’émotion de son amie gagnait sans qu’il pût bien se l’expliquer. Cette simple parole la fit se redresser. Légère comme une jeune fille, elle se releva, et, penchée sur Hubert, elle commença de lui couvrir le visage de baisers passionnés ; puis, fronçant le sourcil et comme par un effort sur elle-même, elle le quitta, passa sa main sur ses yeux, et, d’une voix encore mal assurée, mais