Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/89

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plus calme : « Je suis folle, » dit-elle, « il faut sortir. Je vais mettre mon chapeau et nous allons faire une promenade. Will you be so kind as to ask for a carriage, will you ? » ajouta-t-elle en anglais. Quand elle parlait cette langue, sa prononciation devenait quelque chose de joliment gracieux, de presque enfantin ; et elle sortit du salon par une porte opposée à celle de la chambre d’Hubert, en lui envoyant un petit salut de la main, coquettement.

Ce même mélange de caressante inquiétude, de soudaine exaltation et d’enfantillage tendre continua de sa part durant cette promenade, qui se composa, pour l’un et pour l’autre, d’une suite d’émotions suprêmes. Par un hasard comme il ne s’en produit pas deux au cours d’une vie humaine, ils se trouvaient placés exactement dans les circonstances qui devaient porter leurs âmes au plus haut degré possible d’amour. Le monde social, avec ses devoirs meurtriers, se trouvait écarté. Il existait aussi peu pour leur pensée que le cocher qui, juché haut par derrière et invisible, conduisait le léger cab où ils erraient en tête à tête, le long de la route de Folkestone à Sandgate et à Hythe. Le monde de l’espérance s’ouvrait devant eux, en revanche, comme un jardin paré des plus belles fleurs. Ils se voyaient récompensés, lui de