Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/97

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pourtant si aimé, auraient bien dû n’être pas là. Cette petite impression pénible, qui lui montrait, à la minute même de son retour, la chaîne pesante des tendresses de famille, se renouvela aussitôt qu’il se retrouva en face de sa mère. Dès le premier regard, il se sentit étudié, et, comme il n’avait guère l’habitude des dissimulations, il se crut deviné. Ses yeux, en effet, avaient changé, comme changent ceux d’une jeune fille devenue femme, d’un de ces changements imperceptibles qui résident dans une si légère différence d’expression. Comment la mère s’y serait-elle trompée, elle qui depuis tant d’années suivait les plus vagues reflets de ces prunelles noires, et qui maintenant y saisissait un fonds de félicité enivrée et insondable ? Mais poser une question à ce sujet, la pauvre femme ne le pouvait pas. Les nuances, ces événements de la vie du cœur, échappent aux formules des phrases, et de là naissent les pires malentendus. Hubert fut très gai durant le dîner, d’une gaieté que rendait un peu nerveuse la prévision d’une difficulté toute prochaine. Comment sa mère allait-elle prendre sa sortie du soir ? Il n’y avait pas une demi-heure qu’on avait quitté la table, lorsqu’il se leva, comme quelqu’un qui va dire adieu.

« Tu nous laisses ? » fit Mme Liauran.