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II UN MÉNAGE PARISIEN : — LA FEMME

En fait, la première période de ce ménage fut, pour Hector, complètement, absolument heureuse. Elle dura environ sept ans. Ce fut celle où le journaliste établit sa réputation, celle aussi durant laquelle Mme Le Prieux se forma une conception du travail de son mari qui devait tristement influer sur leur commun avenir. Mathilde était une de ces femmes dont l’extraordinaire inintelligence et le noble visage offrent un tel contraste qu’elles déconcertent l’observateur, sans qu’elles aient aucun besoin de dissimuler, surtout si cet observateur les aime. Sa mère, une demoiselle Huguenin, était originaire d’Aix-en-Provence ; son père était le fils d’un petit commerçant du Nord. Ces coupages de sang, si fréquents dans les familles modernes que personne n’y prend même garde, ont souvent pour résultat une hérédité de tendances contradictoires, qui se paralysent en s’équilibrant. Peut-être la cause de la décadence de la race en France gît-elle là, dans cette continuelle mixture du nord et du midi, de l’est et de l’ouest, par des mariages trop disparates d’origine. De ce père, Mathilde avait retenu le goût de briller, un égoïsme implacable, et ce fonds d’insensibilité qui distingue les joueurs