Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/117

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de rente à 10,000, — de quoi prendre aussitôt une bonne de plus et soulager cette pauvre mère d’une partie des soins du ménage. Quant au drame intérieur qui s’était joué jadis dans l’esprit de l’aspirant-poète devenu un manœuvre de prose ; quant aux secrètes aspirations encore nourries par Hector de poursuivre tout de même, à travers le labeur mercenaire, la composition de quelque œuvre d’art, d’un recueil de vers, d’un volume de nouvelles, d’un roman, Mathilde n’en soupçonnait rien à la date de son mariage. Elle n’en soupçonnait rien après vingt ans de ce mariage, et avant les scènes qui feront la matière de ce récit. Elle se croyait, et, même aujourd’hui, elle se croit, l’épouse la plus irréprochable, la plus dévouée. Elle s’enorgueillit d’avoir « fait la situation » de son mari. — Traduisez qu’elle a quelque chose comme cinq cents cartes de visite à déposer en leur nom à tous deux dans le mois de janvier ! — Elle mourra sans admettre qu’elle a immolé le plus rare, le plus délicat des cœurs d’homme à la plus mesquine, à la plus égoïste des vanités : celle de tenir ce rôle d’une femme à la mode, et d’être appelée, dans les comptes rendus que je citais tout à l’heure, de ce titre de la « belle Mme Le Prieux ». Peut-être ne serez-vous plus tenté de sourire de ce surnom au terme de cette analyse, et quand vous saurez à quelles réelles misères il correspond. Il faut tout dire : dans cette première époque de son mariage, Hector commença par jouir de cette vanité avant d’en souffrir. Il est bien rare que les