Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/138

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les avait décidés à faire lit à part. Hector avait voulu pouvoir rentrer, sans troubler le sommeil de sa femme, lorsque celle-ci s’était couchée plus tôt, et, inversement, quand c’était elle qui s’attardait à un bal avec sa fille, elle ne réveillait pas Hector. Celui-ci ne suffisait à son énorme besogne qu’en préservant ses matinées. Assis à sa table sur le coup de neuf heures, exactement, sa porte condamnée, il ne s’en relevait qu’à midi, ayant mis à bas la plus grande partie de sa tâche quotidienne. Il fallait des circonstances exceptionnelles pour qu’il allât manger son œuf à la coque et boire son café noir auprès de sa femme. Il ne la voyait pour la première fois, d’habitude, qu’au déjeuner de midi, le temps de lui dire bonjour, et Reine était là. Reine était encore là aux dîners, les rares dîners qu’ils prenaient à la maison. Entre temps, il leur fallait vaquer, la mère à ses visites, le père à ses courses, au surplus de son travail, à son énorme courrier. Il s’était fait, à l’imitation d’un autre fécond journaliste, des collaborateurs de ses correspondants, en prenant sans cesse leurs lettres pour thèmes de ses articles. — Le soir appartenait au monde et au théâtre. Etonnez-vous maintenant, si les plus sérieuses causeries de ce ménage avaient lieu dans l’unique tête-à-tête que cette existence permît à ces deux victimes de Paris, au retour du spectacle, et c’est ainsi que la première scène du drame familial auquel j’arrive enfin se joua dans l’intérieur d’un coupé de louage, entre la porte d’un théâtre et celle d’un bureau de rédaction… Vous voyez