Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/207

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avait vouée à Reine. Quoiqu’elle ne lui fût de rien par le sang, cette affection lui donnait, pour les choses qui intéressaient la jeune fille, ce pouvoir de double vue, privilège des mères très tendres. Elle en fournit une nouvelle et touchante preuve, ce matin-là. Elle n’eut pas plutôt constaté la pâleur de sa petite amie et ses yeux lassés, qu’au lieu de la questionner sur sa santé, elle lui demanda : — « Qu’avez-vous, Reine ? Il se passe quelque chose de grave, de très grave. Ne me dites pas le contraire. Je le sais. Je le sens… » —« C’est vrai, » répondit la jeune fille, émue aux larmes par cette divination de sa promeneuse, et elle ajouta : « Ne m’interrogez pas. Ce que je peux vous raconter, je vous le raconterai, d’autant plus que j’attends de vous un service, un grand service. Mais je veux que vous compreniez bien que je ne serai pas froissée, si vous croyez ne pas devoir me le rendre… » — « Je suis tranquille, » fit Mlle Perrin, « qu’est-ce que ma gentille Reine peut me demander qui ne soit pas bien ? » — Puis, la jeune fille se taisant, elle continua, d’un accent timidement inquisiteur, comme quelqu’un qui va au devant d’une confidence douloureuse et qui voudrait se faire pardonner ses propres intuitions : « Cette chose grave. Reine, avouez-le, c’est qu’on veut vous marier. » — «  C’est qu’on veut me marier, » répondit Reine, presque à voix basse. — « Et avec quelqu’un que vous n’aimez pas ? » osa dire Fanny. — «