Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/212

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de la paresse d’un climat trop doux, mais aussi un peu de cette eurythmie dont les Méditerranéens par excellence, les vieux Hellènes, avaient fait une vertu. Il s’était dit : « La cousine Mathilde fait des difficultés, et ma pauvre Reine se les exagère… » Et il avait souri tendrement à l’idée des enfantines imaginations qu’il prêtait à sa fiancée. Comment eût-il douté une minute du succès final, ayant pour lui l’amour de Reine, d’abord et surtout, puis la sympathie de Le Prieux, dont il était sûr, enfin une parenté avec Mme Le Prieux qui ne permettait pas que les objections de celle-ci fussent bien graves ? Charles avait beau être un garçon nativement spirituel, comme l’indiquaient la distinction spontanée de ses manières, l’extrême délicatesse de ses traits, le sourire avisé de ses lèvres, la vivacité et la douceur de ses yeux noirs, de grands yeux d’Arabe sur un teint brun, presque ambré, — tous ces signes d’un tempérament nerveux, d’une finesse instinctive, n’empêchaient pas qu’il n’eût gardé, à travers ses quatre années de quartier Latin, les œillères d’un provincial dans sa vision de certaines choses de Paris. La situation vraie de ses cousins Le Prieux, par exemple, lui échappait absolument. Il les considérait comme riches, partageant sur les gains fantastiques des journalistes l’habituelle opinion bourgeoise, sans d’ailleurs s’être jamais demandé quelle serait ou ne serait pas la dot de Reine, ni si elle en aurait une. Fils unique lui-même et assuré d’une large indépendance s’il se décidait à vivre sur le domaine