Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/256

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Dans quel état je vous trouve !… Ah ! Mon pauvre enfant !… » Charles venait, en effet, dans la stupeur de ces paroles et de cette attitude, si complètement inattendues pour lui, d’éclater de nouveau en sanglots, et de se jeter dans les bras de Le Prieux, en répétant ces seuls mots : — « Oh ! si ! Merci, mon cousin, merci, que vous êtes bon !… Que vous êtes bon !… » Le père était lui-même remué jusqu’au fond du cœur par cette explosion de désespoir. Mais il avait un intérêt trop essentiel à savoir toute la vérité sur les relations des deux jeunes gens, pour ne pas essayer d’arracher cette vérité à cet affolement. Il avait entraîné Charles hors de l’antichambre, dans le petit cabinet de travail qui servait aussi de salon à l’avocat sans causes, encore incertain sur son définitif établissement, charmant asile de rêverie où Le Prieux n’était venu qu’une fois ; mais cette visite avait suffi pour conquérir au jeune homme la sympathie de l’écrivain, tant cette pièce, — avec le noyer vermiculé de ses vieux meubles provençaux, — avec le choix des gravures sur les murs, représentant toutes quelque beau monument d’Arles, de Nîmes ou d’Aigues-Mortes, — avec l’ordre des livres, tous évidemment lus, dans la bibliothèque et celui des papiers sur la table, — avec l’horizon des arbres du Luxembourg derrière son étroit balcon, dégageait une atmosphère de jeunesse recueillie et romanesque. Il s’y respirait comme un parfum de la poésie du terroir natal, conservée à Paris, malgré les tentations contraires.