Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/257

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Cette chambre était l’image fidèle du petit drame moral dont le jeune homme avait été le théâtre, partagé entre la nostalgie de sa Provence et l’attrait de la vie de Paris, et c’était cette physionomie des choses autour de lui qui avait éveillé jadis dans Hector l’idée que Charles serait pour Reine le mari souhaité. Peut-être y avait-il un ressouvenir de cette impression déjà lointaine, dans l’affectueuse insistance avec laquelle il s’efforçait de lui faire avouer le secret entier de ses sentiments. — « Non, je ne suis pas bon, » avait-il commencé, « et, encore une fois, il ne faut pas me remercier. Je vous répète que je suis simplement un père qui fait son devoir. Mais vous devez faire le vôtre, vous aussi, et répondre à ma démarche par une absolue sincérité. Voyons, parlez-moi à cœur ouvert, librement, et dites-moi tout. » — « Mais, » avait répliqué Charles, « que puis-je vous dire que ne vous ait dit, à Mme Le Prieux et à vous, la lettre de ma mère ? J’ai compris, rien qu’à vous voir entrer, que vous veniez me répéter ce que je sais déjà par ma cousine, que ce mariage est impossible. J’aurais dû le comprendre plus tôt, puisque vous ne m’avez pas fait venir, dès cette lettre reçue… Et pourtant, monsieur Le Prieux, je vous jure que j’aurais tout fait pour rendre Reine heureuse, je lui aurais voué toute ma vie. Je suis un bien petit personnage, mais ce peu que je suis, je le lui aurais donné sans réserve, et ma mère vous a dit aussi dans sa lettre, j’en suis sûr, qu’elle et mon père pensaient comme moi… »