Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/258

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Si la révélation du silence gardé par Mme Le Prieux sur la démarche de Mme Huguenin avait bouleversé Reine, avertie pourtant de cette demande en mariage, quel coup en plein cœur pour le père que rien n’avait préparé à cette nouvelle ! Dans l’éclair d’une illumination subite, il entrevit la vérité. Etait-il possible que sa femme eût ainsi manqué de franchise à son égard, qu’elle lui eût répondu, l’autre soir, comme elle lui avait répondu, si cette lettre avait été réellement envoyée et reçue ? Mais oui. Cette nuance d’inquiétude qu’elle avait montrée pour lui demander : « On vous a pressenti aussi ? » il en avait l’explication. D’ailleurs, l’accent du jeune homme ne laissait aucune place au doute, et le père de Reine le comprit si bien, qu’il détourna les yeux pour que son interlocuteur n’y lût pas la souffrance qu’il éprouvait à cette découverte. Il voulut pourtant l’interroger, et il lui posa une de ces questions, à côté, comme on en pose dans certains entretiens où l’on n’a pas la force de formuler toute sa pensée : — « Vous me dites que vous avez été averti par Reine d’une difficulté subite ? Elle était donc au courant de la démarche de votre mère ? » — « Ah ! monsieur Le Prieux, » dit le jeune homme, « je vous en supplie, ne la jugez pas mal, et ne me jugez pas mal… Ma cousine n’a rien à se reprocher. Je vous en donne ma parole. Je ne lui avais jamais parlé de mes sentiments, jamais, jusqu’à la semaine dernière, c’est vrai, où je lui ai demandé ce qu’elle répondrait si ma mère vous