Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/259

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écrivait ce qu’elle vous a écrit… Je le sais. Ce n’était pas bien de ma part. J’aurais dû m’adresser à vous et à Mme Le Prieux d’abord. C’est trop naturel pourtant que je n’aie pas voulu, l’aimant comme je l’aime, demeurer dans l’incertitude et que j’aie essayé de savoir du moins ce qu’elle pensait. » — « Alors, elle vous a autorisé à nous faire écrire la lettre ? » reprit le père. — « J’ai compris qu’elle ne me le défendait pas. » Le Prieux s’arrêta une minute dans cet interrogatoire, où chaque mot, en projetant une lumière cruelle sur certains incidents de ces derniers jours, épaississait l’ombre sur d’autres. L’attitude de sa fille à son égard, au moment d’aller causer avec Mme Le Prieux, qui lui était si incompréhensible tout à l’heure, lui devenait claire. Elle avait cru, évidemment, que sa mère la faisait venir pour lui parler de la lettre de Mme Huguenin. En revanche, ce qui s’était dit entre les deux femmes était rendu plus énigmatique encore, par cet accord de Reine avec son cousin. Comment et pourquoi celle-ci avait-elle, dans ces conditions-là, soudain changé de volonté ? Reine avait donc vu son cousin dans l’intervalle, ou bien elle lui avait écrit ? Venant de découvrir chez sa femme un manque si complet de sincérité, Hector tressaillit à l’idée que sa fille pouvait donner des rendez-vous secrets, ou entretenir une correspondance clandestine. Cette pensée lui fut si insupportable qu’il saisit avec violence le bras du jeune homme, en reprenant : — «