Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/261

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ne soyiez injuste avec elle… » Et il commença de raconter, pêle-mêle, les incidents de ce douloureux rendez-vous de la matinée : et l’impression que lui avait faite le billet de Reine, et l’arrivée de celle-ci, et comment il avait deviné la gravité de sa démarche à sa pâleur, et les paroles qu’elle avait prononcées, et celles qu’il avait répondues, et son accès de jalousie, et le reste. Le père écoutait le récit de ces simples et poignants épisodes, la lettre de sa fille à la main. Il en regardait l’écriture, dont il reconnaissait l’agitation, avec une pitié passionnée pour la douce et délicate enfant, qui avait tracé ces caractères et noirci ce papier, dans un instant de détresse. Il s’expliquait maintenant, et l’espèce d’éclat fiévreux qu’elle avait dans ses yeux à son retour de ce cruel entretien, et la décision de sa voix refusant le délai que ses parents lui offraient, et aussi la démarche de la pauvre Fanny Perrin, qui avait certainement été la personne en tiers, indiquée par Charles, l’innocent témoin de cet innocent rendez-vous entre les deux cousins. Et, à travers ces pensées, un point demeurait plus obscur que jamais : quel motif avait eu Reine de vouloir ce mariage avec Faucherot, quand elle était libre de son choix ? Le mot de cette énigme, hélas ! le père savait déjà trop de quel côté le chercher. Mais l’honneur lui commandait de le trouver seul. Il ne devait pas associer à cette enquête, au terme de laquelle il devinait, malgré lui, des machinations peu scrupuleuses et un rôle équivoque de sa femme, celui qu’il considérait, dès cette minute, comme leur