Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/281

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m’éviter des surcroîts de travail ? Et c’est ta faute, mon amie. Oui, c’est ta faute. Tu lui as donné l’exemple. Pourquoi as-tu craint toi-même de me dire ce que tu lui as dit à elle, que nous avions un petit arriéré ? Toi aussi, tu as eu peur que je n’aie quelques articles de plus à écrire… Avoue-le… Mais qu’est-ce que cela, à côté du chagrin de voir notre enfant malheureuse ?… Je ne me le serais jamais pardonné… » Pensait-il vraiment ce qu’il disait là, le pauvre manœuvre littéraire, ou bien était-ce un second mensonge plus généreux que le premier, pour achever de sauver aux yeux de sa fille, le prestige de la mère, tout en anéantissant l’objection la plus forte que celle-ci eût imaginée contre le mariage avec Charles ? L’amour a de ces aveuglements. Il a aussi de ces délicatesses dans la lucidité et de ces indulgences dans la certitude. Quel que fût le motif auquel obéissait Hector, ses paroles supposaient un extrême atteint dans la générosité qui eût touché aux larmes toute autre personne que Mathilde. Mais l’orgueil de cette femme était rendu plus implacable encore par l’étrange dépravation de conscience qui lui faisait croire qu’elle avait toujours, en toute circonstance, travaillé pour le mieux de l’intérêt de sa fille et de son mari. Ce qu’elle aperçut soudain, à travers les discours de celui-ci, c’est que Reine avait manqué à la parole donnée. Comment la femme, habituée à voir dans l’écrivain le plus crédule des époux et le plus débonnaire, eût-elle deviné le travail d’induction et de diplomatie