Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/283

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sentiment… Il n’était pas besoin pour cela de cette duplicité… » — « Maman ! » supplia Reine en joignant ses mains. — « Elle n’a pas mérité que tu lui parles ainsi », fit le père à son tour. « Elle ne m’a rien dit. C’est moi qui ai tout deviné… » — « Elle s’est arrangée pour te laisser tout deviner », reprit la mère, « et c’est pire… Je te répète que je ne lui pardonnerai pas… D’ailleurs », conclut-elle avec une amertume concentrée, « tu es son père et le chef de la famille. Tu veux qu’elle épouse son cousin. Elle l’épousera. Elle ira vivre en province, loin de Paris, petitement, bourgeoisement, au ban du monde. C’est alors qu’elle sera vraiment malheureuse, et la seule chose que j’aie le droit d’exiger d’elle et de toi, c’est que l’on ne vienne jamais se plaindre à moi de ce malheur… J’aurai tout fait pour l’empêcher… » Elle se dirigea vers la porte, en jetant à sa fille et à son mari cette malédiction prononcée au nom de ce struggle for high life devenu pour elle une espèce de dogme, une religion. Elle ne tourna même pas la tête pour répondre à un second appel de Reine qui l’implorait de nouveau : — « Maman, ne vous en allez pas ainsi… Laissez-moi vous expliquer… » Et quand Mme Le Prieux eut refermé la porte, la jeune fille se jeta dans les bras de son père en gémissant : « Ah ! maman ne m’aime pas !… Elle ne m’aime pas !… » — « Ne dis jamais cela, mon enfant », s’écria Le