Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/330

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il se rappela qu’il avait tiré sa montre pour me la donner à regarder. Il gravit notre escalier, quatre à quatre, avec l’espoir, avec la certitude presque de retrouver aussitôt le précieux objet. Le remords commença de naître en moi, à voir cette charmante physionomie se décomposer, lorsque, mon oncle et lui étant entrés dans ma chambre, je fis semblant de me réveiller, et qu’une fois la croisée ouverte, le marbre de la table de nuit apparut, chargé d’un seul oignon d’argent, le mien. Je vous parlais tout à l’heure de la force du mal. Croiriez-vous que j’eus l’hypocrisie de me lever, de regarder dans et sous mon lit, de secouer les couvertures, l’oreiller, et de dire après ces recherches : — « Il me semble bien que tu as remis la montre dans la poche de ton gilet. Peut-être as-tu mal accroché la chaîne ? En tous cas, elle n’est pas ici… » — « Oui, c’est cela, » répondit Octave, « j’aurai mal accroché la chaîne » ; puis, avec un accent qui faillit du coup m’arracher l’aveu de mon indigne action : « Et mon tuteur, que vais-je lui dire ? Lui qui avait eu tant de plaisir à me faire cette surprise ce matin !… Non, jamais je n’oserai paraître devant lui… Il n’y avait pas deux heures que j’avais cette montre, et je l’ai perdue… Ah ! mon Dieu ! mon Dieu !… » Il se mit à pleurer de grosses larmes dont chacune retombait sur mon cœur à moi en me le brûlant. Je vous ai assez dit mes mauvais sentiments p0ur avoir le droit de vous affirmer que je ne connus pas, devant cette douleur, la hideuse