Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/352

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ais qu’un enfant, — de me faire obtenir au collège quantité de mauvaises notes, car, au lieu de travailler soigneusement, comme jadis, à mes devoirs, ma principale occupation consista, pendant plusieurs semaines, à pratiquer le plus enfantin aussi et le plus inefficace des espionnages. Tantôt c’était un prétexte que j’imaginais pour descendre, au milieu d’une version latine ; et je dégringolais le grand escalier de pierre, quatre marches par quatre marches, pour voir si le buggy, attelé du poney pommelé aux jambes noires, stationnait devant notre porte. Tantôt je collais mon front, infatigablement, aux carreaux de ma fenêtre, pour suivre des yeux Mme Réal en train de se promener dans le jardin ; et ces promenades se multipliaient, se prolongeaient, quoique la saison avancée les rendît de moins en moins agréables. La jeune femme n’y emportait plus de livres maintenant. Ses minces épaules drapées dans un châle de cachemire, elle allait, nu-tête, les bras croisés, foulant du pied les feuilles mortes que le vent soulevait parfois autour d’elle, et il arrivait, par les heures de soleil, qu’une de ces feuilles blondes, tombant d’un arbre, tournait, tournait dans la lumière, pour se poser sur ses cheveux d’un blond plus doré encore. Elle ne s’en apercevait même pas, abîmée dans des pensées que j’avais comme un appétit physique de connaître. Aujourd’hui, l’énigme de ces longues promenades m’est si claire ! La romanesque provinciale en était, dans la cour que lui faisait le spirituel Parisien, à la période des combats