Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’avoir perdu. Il est bien probable qu’il se serait toujours perdu par son propre caractère. Sa nature se serait retrouvée la même dans d’autres circonstances. Pourtant il était en droit de formuler l’accusation qu’il formulait maintenant : — « C’est leur faute, monsieur, » disait-il, « c’est leur faute à eux, à eux seuls. Si ce n’est pas vrai, monsieur, qu’ils se justifient. Allez leur parler, vous qui êtes leur ami, allez-y, et répétez-leur ce que je vous raconte. Çà leur apprendra à m’envoyer des gens. Vous les verrez alors devant vous, comme je les ai vus devant moi, pâlir et trembler. Ils vous diront que je suis fou, comme ils me l’ont dit. Non pas eux. Lui. La vieille femme n’a jamais rien fait que pleurer quand elle a su que j’avais tout deviné… Mais mes idées vont, elles vont J’ai comme de la ouate dans la tête. Où en étais-je ?… Ah ! Au temps du lycée. J’étais élevé à Versailles. Je n’ai su que bien après qui était mon père. Je l’appelais M. Robert. C’était son prénom, il me l’a donné comme nom. Je le croyais mon parrain. Je le voyais les jours de sortie, chez des alliés de ma mère, à Paris, qui me servaient de correspondants. C’est par eux que j’ai appris bien des choses plus tard. Mon père était marié, je vous l’ai dit, et père de famille. Il avait une grosse place, il était chef de bureau au ministère de l’Intérieur, celui-là où M. Corbières était huissier. Vous commencez à comprendre ? Mon père n’a jamais voulu que ni sa femme, ni ses autres enfants, les légitimes, connussent mon existence. Il avait M. Corbières sous