Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/113

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de tels ou tels événements, de telles ou telles erreurs. Les héros de ces drames secrets du cœur ont tout simplement agi, à un moment, d’après les traits essentiels et irréductibles de leur nature, après avoir vécu, dans le premier enchantement de l’amour naissant, d’après leurs émotions.

Que de fois cette simple volte-face équivaut à une catastrophe !… Mais dans les commencements de passion qui donc pense aux catastrophes de la fin ? Quand on aime vraiment, comme Hilda, les lointaines menaces de l’avenir disparaissent dans l’ivresse trop forte du présent. Quand on a seulement un caprice, comme Jules, on ne se gâte pas la douceur du jour par des prévisions sinistres. À dater de cet entretien, qui ferma le tout premier acte, celui de l’exposition, dans ce drame ou cette tragi-comédie, — à la fin, vous choisirez, — le jeune homme cessa absolument de se demander où il allait, vers quel dénouement le menait cette intimité, qui devint aussitôt quotidienne, avec la fille d’un marchand de chevaux, lui, un patricien, fier de son nom. Que lui importait le lendemain ? Comme il se l’était dit à lui-même : elle était si, si jolie ! Elle avait passé, avec lui, une espèce de pacte d’amitié, grâce auquel il pouvait approcher d’elle, sous la seule condition qu’il ne lui fît pas une cour ouverte. En effet, durant les quelques semaines qui suivirent cette explication, le faux étourdi eut la sagesse de ne pas manquer au contrat. Il ne prononça pas un mot qui réveillât la susceptibilité effarouchée de la charmante Anglaise. Moyennant quoi, il lui fut permis de causer longuement avec elle, d’abord tous les jours, puis deux et trois fois par jour, dans cette grande camaraderie quasi garçonnière que les mœurs d’outre-Manche autorisent. Miss Campbell se la permettait sans scrupule, du moment que les bornes en étaient fixées comme elles l’avaient été. Pour mieux l’assurer, cette