Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/135

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ne manifesta pas davantage sa gratitude pour cette complaisance, et il se mit en demeure d’attacher lui-même sa bête sans se laisser aider. — C’était couper d’avance tout espoir de pourboire dans l’âme du Caleb de la noble et pauvre maison Maligny. — Un regard de mépris, jeté par l’étranger sur le pauvre Galopin, qui collant son mufle aux barreaux, hennissait de joie à la pensée d’un compagnonnage inattendu, acheva d’exaspérer le susdit Caleb. Aussi, quand il eut introduit le fils de la perfide Albion dans la pièce qui était censée servir de cabinet de travail à son maître, demeura-t-il quelques minutes sur le palier. Sa curiosité — c’était celle des gens de sa condition, et c’est tout dire, — n’allait pas, cependant, jusqu’à écouter aux portes. Il avait une trop haute idée du respect que se doit à lui-même un ancien soldat, décoré de la médaille militaire, qui a l’honneur de servir un comte authentique, — même très désargenté. Mais il était réellement inquiet, de l’entrevue entre « son Monsieur Jules » comme il l’appelait avec une affection vraie, et il écoutait si quelque bruit suspect ne lui arrivait point.

— « Ça se passe plus en douceur que je ne croyais, » dit-il enfin, après avoir constaté le caractère chimérique de ses craintes et, regagnant la loge : « C’est égal, à la place de M. le comte, j’aimerais mieux me marier par-devant le notaire et le curé et avoir ma bourgeoise à moi, comme tout le monde… »

Si aucun éclat de voix ne perçait la cloison derrière laquelle le dévoué Firmin — c’était le nom du vieux soldat tombé de la caserne à la loge — épiait ainsi, l’entretien entre les deux amoureux de la jolie Hilda n’en était pas moins singulièrement vif et passionné. Mais Jack Gorbin était de ces Anglais muets