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VI

LES NAÏVETÉS D’UN JEUNE ROUÉ (Suite)


C’était aussi à sa mère que Jules avait pensé aussitôt, on l’a vu, lorsqu’il avait pris, vis-à-vis de Jack Corbin, cet engagement, non moins extraordinaire qu’irréfléchi. L’on n’est pas « ondoyant et divers » au degré où l’était ce charmant et dangereux jeune homme, sans être, en même temps, très impulsif, et l’on n’est pas très impulsif sans être, en même temps, très suggestionnable. De tels caractères seraient entièrement inintelligibles à ceux qui les regardent évoluer (mais ne le sont-ils point, bien souvent, à eux-mêmes ?) si l’on n’admettait pas que l’instabilité mentale est aussi naturelle à certaines personnes que la fixité l’est à d’autres. On trouverait aisément, dans la neurologie moderne, vingt hypothèses capables d’expliquer ces va-et-vient singuliers de la volonté, tantôt sous l’influence de la volonté forte d’un autre, tantôt par l’effet de ce que le langage médical appelle barbarement l’auto-suggestion. De ces diverses théories, toutes plausibles et toutes contestées, et qui, d’ailleurs, relèvent toutes de la pathologie, un point se dégage très net, sur lequel il convient d’insister encore : la marque propre de l’esprit instable est une soudaineté follement déconcertante dans le passage d’un état à un autre. L’esprit instable n’est, en aucune manière, l’esprit hésitant. Ne cherchez pas à démêler en lui ces longs travaux