Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/165

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réfléchir à l’avenir et de mesurer la portée de ses paroles ou la responsabilité de ses actes. Cela soit dit, non point pour innocenter un égarement que la délicatesse et la chasteté de cet adorable cœur de vierge rendaient sans excuse, mais pour l’expliquer. À mesure que la pauvre Hilda lui parlait, tous les détails de la scène à laquelle elle faisait allusion s’étaient représentés à la mémoire de l’amoureux. Il s’était revu marchant auprès d’elle sur le pavé de cette longue cour qu’il avait là, devant les yeux. « Dans mon pays, une jeune fille ne se laisse faire la cour que par celui auquel elle est engagée. » De quelles profondeurs de son souvenir ces mots jaillirent-ils à cet instant ? C’était, textuellement, la phrase que la jolie Anglaise avait prononcée, de cette bouche aux lèvres si finement ourlées. Ils n’eurent pas plus tôt traversé l’esprit de Jules qu’il y firent apparaître le cortège des folles imaginations dont il avait été assailli à plusieurs reprises : — son original roman d’amour s’achèvent sur des fiançailles plus romanesques encore : — un mariage avec cette exquise créature, tellement supérieure aux poupées à dot auxquelles son nom lui donnait le droit de prétendre ; — Hilda devenue comtesse de Maligny ; une retraite à deux, pour toujours, loin du monde, dans cette terre de La Capite, entre la mer bleue et les oliviers argentés, parmi les mimosas dorés, les roses couleur de safran, les larges anémones pourpres et violettes, ces ardentes fleurs du Midi, si bien faites pour encadrer cette blonde et vivante fleur du Nord ! Et, parlant tout haut ses pensées, il continuait : — « Oui. Ne m’avez-vous pas dit que c’est insulter une femme que de s’occuper d’elle quand on ne veut pas l’épouser ?… Mais si l’on n’a pas d’autre rêve que de lui donner son nom, avec sa vie ?… Quand vous m’avez parlé de La Guerche, vous-même l’avez distingué de cet affreux Machault. Vous