Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/222

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vous a remise, ça vaut bien un trois guinées docteur…[1]. C’est cela qui nous tourmentait, Jack et moi, de vous savoir partie sans avoir rien mangé, et souffrante… »

— « Je me sens très bien, à présent, » répliqua Hilda ; et, comme pour démontrer la vérité de son affirmation, elle sauta de son cheval à terre, sans s’appuyer sur les mains que son cousin lui tendait, avec une gaucherie très voisine de la honte. Il venait de traverser une heure atroce. Quand son oncle avait commencé de s’inquiéter du retard de Hilda, il avait tremblé qu’elle n’eût, dans l’accès de son désespoir, attenté à ses jours. Il avait éprouvé, durant quelques instants, les remords d’un assassin. Sans révolte, avec la soumission d’un chien justement puni, tout comme s’il eût été le frère à la forme humaine de Birmam et de Norah, il encaissa cette nouvelle rebuffade, comme il eût fait d’un uppercut ou d’un direct dans un assaut de boxe. Il se considérait comme méritant trop la rancune que la jeune fille lui portait. Cette soumission se changea en stupeur quand il l’entendit qui continuait, relevant l’allusion du chef de la maison à la vente manquée : « Ne vous inquiétez pas du cheval, gouverneur. » Hilda donnait, quelquefois, à son père cette appellation empruntée à l’argot des écoliers de son pays. « Il est excellent, d’abord, très doux et très vite… Et pas de bouche. Un enfant le mènerait avec un fil… Et nous avons un acheteur tout trouvé. Jack a vu M. de Maligny hier, à la chasse, qui lui a demandé si nous n’avions rien qui pût lui

  1. Campbell traduit ici, barbarement, une autre expression de son pays sur les médecins qui font payer, à Londres, leurs visites trois guinées, c’est-à-dire soixante-dix-huit francs soixante-quinze environ au taux du change idéal. On sait le rôle que joue, en Angleterre, cette valeur toute fictive qu’est la guinée : une livre augmentée d’un shilling.