Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/227

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elle venue ? Elle n’aurait pas pu le dire. Que cet état de demi-folie par l’excès de la souffrance soit l’excuse de cette charmante fille. Elle était si peu faite pour le mensonge qu’elle se retrouva, cette scène finie, incapable de même soutenir le remords de cette première fourberie. À peine fut-elle allée rejoindre Bob Campbell, en train de libeller la missive qui devait faire revenir Jules de Maligny à la maison, que sa honte d’avoir trompé la confiance de son père fut la plus forte. Elle essaya d’empêcher que cette lettre ne partît.

— « Pâ, » dit-elle, « ne pensez-vous point qu’il vaudrait mieux attendre que les clients de ce matin reviennent ?… C’est presque un marché commencé. »

— « S’ils reviennent, » répondit Campbell, « et que le cheval leur plaise, ils l’auront. Je n’ai qu’une parole. Mais j’en attends, pour demain, un tout à fait semblable, meilleur peut-être, d’après ce que m’a télégraphié mon agent de Rugby. Si le premier est pris, le comte de Maligny aura le second… »

— « Sans doute, » continua-t-elle, « mais M. de Maligny ne croira-t-il pas que nous cherchons à lui forcer la main ?… S’il avait eu vraiment envie d’un cheval, il sait le chemin de la maison… »

— « Il a vu Jack. C’est comme s’il était venu ici, » répliqua le père, sans relever la tête. Il signait son nom avec cette belle écriture, carrée et brutale, mais très nette, où se reconnaissait la franchise un peu brutale de son caractère, et il rédigeait l’adresse. Il ne fit pas attention à l’embarras qui mettait deux grandes plaques de pourpre aux joues de sa fille. « C’est fait… » dit-il en glissant le billet dans l’enveloppe. Et, regardant enfin Hilda : « Vous n’êtes pas bien de nouveau ?… », lui demanda-t-il. Cette inquiétude prouvait sa tendresse, mais non sa