Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/234

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femme amoureuse voit-elle seulement celui qu’elle n’aime pas, quand elle est occupée de celui qu’elle aime ?

— « Eh bien ! », fit-elle avec une subite résolution, « allez dire à Mme Tournade que je suis là, en effet… »

— « Vous voulez la recevoir ? » demanda Corbin, avec une visible terreur, dont il donna l’explication en ajoutant : « Mais, si cette dame est venue ici, Hilda, c’est que quelqu’un lui a parlé de vous… »

— « Je vous ai prié d’aller lui dire que j’y suis, » répondit sèchement la jeune fille. « J’irai donc moi-même… » Impérieuse, elle passa, en écartant de la main l’infortuné qui avait, de nouveau, commis la faute impardonnable d’accuser son rival avec trop de vraisemblance. Que Mme Tournade arrivât tout d’un coup chez les Campbell et qu’elle insistât ainsi pour voir la fiancée abandonnée de celui que la chronique lui donnait comme futur époux, c’était la preuve qu’elle avait été avertie… De quoi ? Des relations de Hilda et de Jules de Maligny… Et par qui ?… Quatre personnes les connaissaient, ces relations : Hilda, Mme de Maligny, Corbin et Jules lui-même. Comment échapper à la logique de cette simple énumération qui mettait implacablement un seul nom derrière le quelqu’un dénoncé d’une manière si gauche, mais si spontanée, par l’écuyer ? Toutes les apparences étaient pour que Jules eût raconté ses amours avec la pauvre Hilda, soit par simple légèreté, soit par calcul et dans le but d’aviver encore la jalousie de Mme Tournade. C’était là son procédé habituel. Du moins, Candale, dans cette conversation rapportée par Corbin, lui avait prêté ce calcul, à propos de Mlle d’Albiac. En réalité, ni dans l’un ni dans l’autre cas, le jeune homme n’avait même conçu un projet si pervers. La suite de ce récit le prouvera : en s’engageant avec Louise d’Albiac dans une de ces coquetteries