Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/245

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— « Et vous l’accompagnerez, comme elle a osé vous en prier ? »demanda-t-il.

— Pourquoi pas ?… », répondit-elle. « Maintenant, je n’ai plus de motif qui m’en empêche. Je vous répète, John, que cet homme m’est indifférent. Du moment qu’il a pu me livrer à une pareille femme, il n’était pas ce que j’ai pensé, et, alors, il est mort pour moi… »

Tandis que la malheureuse enfant, et qui se croyait de bonne foi guérie, flétrissait ainsi celui qu’elle avait tant aimé, — qu’elle aimait tant à cette minute, — « l’affreuse vieille Jézabel peinte », qui n’était, malgré son blanc et son fard, ni affreuse, ni vieille, ni surtout Jézabel, manifestait, contre ce même Jules, une rancune égale. Seulement, c’était sur le dos de son cocher qu’elle la passait. L’inquiétude de maître Gaultier avait été trop forte devant les bêtes présentées par miss Campbell. Son œil d’artiste en équitation en avait aussitôt reconnu la valeur. Il ne put s’empêcher de dire à sa maîtresse, durant les quelques instants que le chauffeur mit à manœuvrer l’automobile, garée à l’ombre, dans la petite rue :

— « C’est à madame de décider. Mais j’espère bien que madame n’achètera aucun de ces chevaux… J’avais averti madame. Cette maison n’a que des rosses retapées. Madame a vu. Le premier cheval a un éparvin et il harpe. Le second a l’air bien ; mais il n’a que trois pattes et les pieds encastelés… »

— « Je vous ai déjà prévenu, Gaultier, » répondit Mme Tournade, « que vous me donneriez votre avis quand je vous le demanderais… Vous vous croyez le maître chez moi. Il faudra changer ces manières, mon garçon. Vous n’êtes peut-être pas content du pourboire que donnent les Campbell, quand ils vendent un cheval. Gardez ce mécontentement pour