Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/272

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Et gentils, avec cela… Sont-ils gentils !… Aussi gentils que les gens d’ici sont brutes… Mais ça ne se passera pas comme ça. Je vais le repincer, l’Inglish, moi, au demi-cercle, avant de partir. On verra… »

On vit, en dépit de cette résolution, maître Gaultier s’en aller, ayant en poche la réponse pour sa maîtresse, sans avoir « repincé » son ennemi, qui se tenait au coin de la porte, les poings toujours fermés, avec son même air tendu de pugiliste aux aguets. Si sa cousine n’eût pas été là, très probablement c’est John qui aurait recommencé la querelle. Il ne désirait rien tant qu’elle dégénérât en batterie. Que le cocher de Mme Tournade rentrât chez sa patronne le nez cassé ou deux côtes défoncées, le bon renom de l’écurie Campbell en souffrirait, mais la veuve décommanderait ses chevaux. Du coup, le projet de la chasse à Rambouillet, si gros de dangereuses conséquences, serait abandonné. Mais Hilda était dans la cour. Sous ses yeux, le cousin amoureux ne pouvait pas se livrer à des hooks et à des upper cut qui lui eussent donné figure de butor. Il se sentait déjà si rustre, à côté d’elle, si épais auprès de sa finesse, si lourdaud devant sa grâce ! Il laissa donc passer l’envoyé de Mme Tournade en frémissant. Dès qu’ils furent seuls, il dit à la jeune fille, avec une douceur navrée — contraste pathétique à sa colère de tout à l’heure, car on y sentait l’infinie indulgence d’un cœur incapable de blâmer ce qu’il chérit :

— « Ainsi, vous êtes retombée, Hilda ?… Vous ne pouvez pas perdre cette possibilité de revoir cet homme, même dans ces conditions ?… comme vous l’aimez ! »

— « Ah ! » répondit Hilda. « Je ne sais plus. Je ne comprends plus… Vous devez bien sévèrement me juger, Jack, et je le mérite… »

— « Je ne vous juge pas, » dit-il. « Je vous plains.