Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/282

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Jack ?… » lui rendit son sang-froid à lui. Quand la veuve s’enleva de terre sur les mains unies de l’écuyer, elle ne put pas se douter quelle sauvage envie démangeait ces rudes paumes, où posait la semelle de la fine botte vernie qui boudinait son pied court. Ah ! s’il avait pu l’empoigner durement, la jeter à genoux devant cette « salariée », pour qu’elle demandât pardon !… Au lieu de cela, il achevait de rendre à l’insolente les menus services que comportait son métier, avec autant de soin que s’il se fût agi de sa cousine elle-même. Il lui tirait soigneusement la jupe de son amazone. Il lui rajustait son étrivière à une plus exacte mesure. Il lui tendait la rêne de filet, puis celle de mors, promenait quelques minutes le cheval pour qu’il ne s’énervât point, et il laissait Dick mettre en selle la pauvre Hilda. On ne va pas plus loin dans la conscience professionnelle, cette vertu si répandue en Angleterre qu’elle est presque le trait le plus national. Il explique, mieux que toutes les théories de haute politique, l’histoire des triomphes de ce pays, qui, du petit au grand, ne connaît pas l’« à peu près »… Mais, déjà, les valets de limiers étaient revenus. Le prince de La Tour-Enguerrand avait donné le signal de découpler. La meute s’était élancée. Les chevaux partaient à la suite. Les voitures s’ébranlaient. Les trompes commençaient de retentir, emplissant la forêt, par intervalles, de ces airs qui sont un langage, eux aussi. Toute la grâce de la vieille France, toute son élégance légère y vibre encore. Quelle différence avec le brutal cornet à bouquin des Anglais et le grand huchet des Allemands ! Le « Lancé », la « Vue », le « Bien allé », le « Volcel’ est », le « Débuché », allaient, tour à tour, rallier les chasseurs égarés dans les avenues, les sentiers et les clairières. Mme Tournade et Hilda Campbell s’étaient mises en route au trot modéré de