Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à l’impulsion de la jalousie, comme tout à l’heure, en donnant des ordres à Hilda sur un ton si impérieux, comme à présent, en la retenant auprès d’elle, de peur qu’elle n’allât du côté de Maligny. Elle avait observé, elle aussi, l’attention fiévreuse de Mlle d’Albiac. Ce signe que sa dénonciation avait mordu tendait toutes les forces de son être. Qu’allait-il résulter de cet éveil et de cette défiance ? L’amoureuse trop âgée se le demandait en s’appliquant à pratiquer, dans sa manière de diriger son cheval, tous les préceptes que lui avait donnés le maître de manège chez qui elle avait fréquenté secrètement, cette semaine, afin de se remettre en selle. Pour répondre à cette question, il lui eût fallu connaître la délicatesse de ces deux exquises créatures, celle de Louise et celle de Hilda, si étrangement pareilles d’âme, à travers tant de différences. De même qu’elles étaient, l’une et l’autre, par leur sveltesse et leur énergie, leur goût du danger et leur pureté, des créatures de même type, deux représentantes de cette gracieuse et sauvage lignée des Artémis, deux Dianes, — habillées, chapeautées, bottées à la mode de 1902, — elles avaient, aussi, d’intimes et profondes analogies dans leur manière de sentir. J’ai déjà dit que cette mystérieuse et indéfinissable ressemblance avait été sinon l’excuse, au moins une atténuation de la coupable légèreté avec laquelle Maligny s’était occupé de Louise, si vite après s’être occupé de Hilda. Il avait cherché, deviné, goûté, dans les deux jeunes filles, un même charme et composé de mêmes éléments. Son inconstance avait été une de ces infidélités fidèles, le philtre le plus enivrant pour ces émotifs sans vraie tendresse, pour ces égoïstes tendres que sont les hommes de son espèce. Il ne se doutait pas lui-même du degré auquel descendait cette ressemblance, ni qu’à cet instant où elles le voyaient,