Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/299

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une créature capable de pareils procédés, risquait d’aboutir au plus irréparable scandale. Mlle d’Albiac, elle, n’avait pas entendu tous les termes de la phrase proférée par Mme Tournade. Elle n’avait surpris — avec quel frémissement ! — que les flétrissantes syllabes : maîtresse… Tout innocente qu’elle fût, elle n’avait plus sa mère. C’est dire que, vivant beaucoup dans la société des amis de son père, elle avait écouté trop de libres propos, pour être une ignorante. Elle avait vu, sous l’insulte, le visage de Hilda se décomposer, comme si elle allait s’évanouir, et Jules de Maligny ne rien trouver à répondre. Un nouvel incident redoubla aussitôt le mystère de l’énigme pour sa curiosité épouvantée. Mme Tournade était remontée dans sa voiture, partie au grand trot de ses deux chevaux, et Maligny s’était rapproché de Hilda. Ils avaient poussé leurs montures à quelque distance, visiblement, afin d’être hors de portée. Là, le jeune homme avait commencé de parler, en proie lui-même à une si vive colère qu’il avait à peine surveillé ses gestes et moins encore sa physionomie contractée, convulsée presque. La pauvre écuyère l’écoutait sans répondre. Elle était devenue, de si pâle, toute rouge, puis, de rouge, mortellement pâle. Louise d’Albiac avait pu observer que ses mains tremblaient au point de retenir malaisément ses rênes. Sur quoi, et comme La Tour-Enguerrand, abordé par un piqueur, venait de crier :

— « Le cerf est retrouvé, messieurs… Lathuile nous attend… Il a fait rallier au gros de la meute… Ecoutez… » La trompe avait sonné l’air célèbre : « Il va là-haut !… Rallie là-haut ! rallie là-haut !… » Et, en un clin d’œil, tous les cavaliers étaient repartis. Jules de Maligny, quittant Hilda brusquement, s’était mêlé à la troupe de ceux qui galopaient à la suite du prince. Il avait plongé dans la forêt, sans se