Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/28

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novembre, et une lumière d’une divine transparence, si légèrement, si puissamment réchauffante, enveloppait, baignait, caressait ce jardin, cette oasis plutôt de la villa Tasca, — fantaisie de grand seigneur hospitalier bien connue de ceux que le caprice du voyage ou le souci d’une santé compromise ont exilés quelques mois à Palerme. C’était, ce dernier cas, celui de la comtesse. Venue de Paris dès les premiers brouillards d’automne pour achever de guérir les suites d’une fluxion de poitrine quasi mortelle, une demi-rechute l’avait aussitôt emprisonnée trois semaines durant dans sa chambre. Elle ne recommençait guère de sortir que depuis cinq ou six jours. Aussi laissait-elle avec délices ce soleil de onze heures vibrer autour de sa faiblesse. Son visage creusé se ranimait de sa pâleur. La vague griserie de la convalescence rajeunissait ses joues maigrissantes, ses paupières fatiguées, son front jauni. Les reflets blonds mêlés dans ses cheveux aux reflets d’argent semblaient plus dorés, comme si, dans la femme de cinquante ans, prématurément épuisée par les chagrins et par la maladie, un peu de la grâce d’autrefois allait reparaître. Sa bouche desséchée de fièvre s’ouvrait à cet air attiédi, où flottait, avec l’arome des roses, la senteur des arbres d’essence rare dont les bosquets étaient plantés. Ses yeux bleus, d’un bleu trop brillant, comme de quelqu’un dont la vie a été atteinte dans ses sources