Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/44

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par les passions pour savoir le prix de ce qu’il avait rencontré dans cet être pour lui unique ! Et ils causaient, ou mieux, ils pensaient, ils sentaient tout haut, ne cherchant pas leurs paroles, mais chaque phrase avait pour eux la secrète, la pénétrante magie de l’intimité toute prochaine. Rien que le son de leur voix leur faisait savourer d’avance d’innombrables minutes d’amour, comme en allant et en venant dans le jardin ils respiraient l’arome de toutes les fleurs et de tous les feuillages qu’ils ne voyaient pas.

— « Comme Mme Scilly a déjà changé depuis les huit jours que je suis ici ! » disait-il. « Quand je l’ai retrouvée de nouveau si pâle, si faible, j’ai été bien troublé… Je venais d’avoir une telle déception en revoyant Palerme du bateau, toute grise sous une pluie battante. »

— « C’est vrai, » reprit Henriette en regardant devant elle avec des yeux où Francis put lire le ressouvenir de cette récente angoisse, « vous n’avez guère été favorisé pour votre voyage. Après les premiers beaux jours que nous avions eus, nous étions si tourmentées quand nous voyions, par nos fenêtres, la mer si mauvaise avec ses énormes vagues… Maman et moi nous ne nous disions rien, mais je savais que nous avions la même idée. Elle était encore trop souffrante. C’est cette inquiétude qui l’avait rendue plus