Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/56

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de Mme Raffraye ne lui rappelait pas seulement l’épisode le plus passionné de sa jeunesse. Il lui représentait la créature dans laquelle il avait cru deviner les plus noirs abîmes de perversité, celle qui lui avait été la plus funeste, le mauvais génie de tant d’années de sa vie, celle aussi pour laquelle il avait été le plus implacablement dur, presque cruel. Et cette femme venait d’arriver à Palerme, quand il existe tant d’autres villes d’hiver, dans cet hôtel, quand, à Palerme même, il existe tant d’autres hôtels et de plus célèbres, et à quel moment ? Quand il se trouvait là dans ce coin retiré du monde où il avait le droit de se croire bien caché, auprès d’une jeune fille qu’il aimait, dont il était aimé, qu’il allait épouser… L’idée d’attribuer cette présence à quelque plan d’action inconnue et redoutable devait venir et vint aussitôt au jeune homme, dont la sensibilité naturellement très vive était encore surexcitée par le ravissement de cette promenade de la matinée. Cette folle idée s’empara de lui, dans le temps qu’il mit à monter jusque chez lui, avec la peur et le demi-égarement d’une panique irraisonnée, maladive, irrésistible. Ce fut au point qu’il avait le visage tout altéré quand il entra dans le salon particulier où il prenait tous ses repas, en compagnie de Mme Scilly et de sa fiancée. Il lui fallut subir la sollicitude inquiète de cette dernière, — il lui fallut, pour la première fois, dissimuler et attribuer