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LE DISCIPLE

chées en m’y attardant, comme un manque de franchise, vous m’y faisiez reconnaître une loi de l’existence même, imposée par l’hérédité à notre personne. Je me rendais compte aussi, grâce à vous, qu’en recherchant dans les romanciers et les poètes de ce siècle des états de l’âme coupables et morbides, j’avais, sans m’en douter, suivi une vocation innée de psychologue. N’est-ce pas vous qui avez écrit : « Toutes les âmes doivent être considérées par le savant comme des expériences instituées par la nature. Parmi ces expériences, les unes sont utiles à la société, et l’on prononce alors le mot de vertu ; les autres nuisibles, et l’on prononce le mot de vice ou de crime. Ces dernières sont pourtant les plus significatives, et il manquerait un élément essentiel à la science de l’esprit si Nérou, par exemple, ou tel tyran italien du quinzième siècle n’avait pas existé… » Par ces chaudes journées d’été, je me revois partant en promenade, un de ces livres dans la poche, et, une fois seul dans la campagne, lisant quelqu’une de ces phrases et m’exaltant à en méditer le sens. J’appliquais au paysage qui m’environnait cette interprétation philosophique de ce qu’il est convenu d’appeler le mal. Sans doute, les éruptions qui avaient soulevé la chaîne des Dômes, au pied desquels j’errais ainsi, avaient dû dévaster de lave brûlante la plaine voisine et détruire des êtres. Pourtant