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LE DISCIPLE

revenue, car ce parti fut ce qu’il devait être. J’ajoute, pour dire la vérité entière, que la prochaine arrivée de M. de Plane et du comte André était annoncée. Cette nouvelle eût achevé de me décider si j’avais encore hésité. Leur présence à tous deux, dans ce double et sinistre désastre de mon amour et de ma fierté, non, je ne voulais pas, je ne pouvais pas la supporter. Voici donc ce que je décidai. Le marquis m’avait prié de prolonger mon séjour jusqu’au 15 novembre. Nous allions être au 3. J’annonçai, au matin de ce fatal 8 novembre, que je venais de recevoir de ma mère une lettre un peu inquiétante, puis dans la journée je racontai qu’une mauvaise dépêche avait encore augmenté mes inquiétudes. Je demandai donc à M. de Jussat la permission de partir pour Clermont dès le lendemain et à la première heure, ajoutant que, si je ne revenais pas, l’on voulût bien faire une caisse des objets que je laissais et me les renvoyer. Je tins ce discours devant Charlotte, assuré qu’elle le traduirait par sa vraie signification : « Il s’en va pour ne plus revenir. » Je comptais que la nouvelle de cette séparation définitive la remuerait, et, voulant profiter aussitôt de cette émotion, j’eus l’audace de lui écrire un nouveau billet, ces deux lignes seulement : « Sur le point de vous quitter à jamais, j’ai le droit de vous demander une dernière entrevue. Je viendrai chez vous à onze heures. »