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LE DISCIPLE

Palais, écrire quelques mots sur sa carte, donner cette carte à un soldat pour être portée par l’huissier au président. Il avait la sensation très nette d’agir presque malgré lui, et comme dans un songe. Sa résolution néanmoins était prise, et il sentait qu’elle ne faiblirait plus, quoiqu’il appréhendât avec une angoisse horrible de se retrouver en face de son père, qui était là, par delà ces gens dont il apercevait les têtes penchées, les nuques immobiles, les épaules voûtées. Il éprouva, dans cette agonie qu’il traversait, le seul soulagement qu’il pût ressentir, quand l’huissier vint le prendre. Car, au lieu de l’introduire droit dans la salle, cet homme le conduisit par un couloir jusqu’à une petite pièce qui était sans doute le cabinet du président. Des dossiers y traînaient sur une table. Un pardessus et un chapeau étaient pendus à une patère. Arrivé là, son guide lui dit :

— «  M. le président va vous entendre aussitôt que M. le procureur général aura fini… » Quelle consolation inattendue dans sa peine ! Le supplice de déposer en public et devant son père lui serait donc épargné ! Cette espérance fut de courte durée. L’officier n’était pas depuis dix minutes dans le cabinet du président que ce dernier entrait, un grand vieillard à la face bistrée de bile avec des cheveux gris que l’opposition du rouge de la robe faisait paraître verdâtres. Dès les premiers