Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/119

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saurai, je veux le savoir… Que peut-il arriver ? Qu’il raconte que j’ai voulu l’épouser et que c’est lui qui n’a pas voulu ?… »

– « Lui, raconter cela ?… » protesta Madeleine. « Il en est incapable !… »

– « Hé bien, alors ? » reprit Agathe… « Non, il n’y a pas d’autre moyen et tu ne me refuseras pas de lui parler… à moins qu’il n’y ait, à ce refus, une raison que tu ne me dises pas… »

– « À toi ? » fit Mme Liébaut… « Quelle raison veux-tu qu’il y ait ?… » Sa sœur, qui la regardait fixement, put voir le sang affluer tout d’un coup à ses joues pâlies, puis se retirer et les laisser plus pâles encore, comme si le cœur de la jeune femme s’était contracté, sous cette question, dans un spasme trop fort. Ce n’était pas la première fois que l’aînée surprenait chez sa cadette des signes de troubles intérieurs. Elle n’avait pas cherché à se les expliquer. Ses idées toutes faites sur le caractère de Madeleine se mettaient entre elle et une observation directe, comme il arrive si souvent dans les rapports de famille. Pour la première fois, à cette minute, et dans un de ces accès de subite lucidité que la passion trouve à son service, par un instinct presque animal, un soupçon traversa son esprit. Ce ne fut qu’un éclair, et, aussitôt, elle rejeta la pensée qui venait de l’assaillir, non sans en garder comme un frisson, et elle répliqua :