Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/127

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qui la mordait au cœur aussitôt qu’elle se remettait en tête à tête avec ses pensées.

– « Ce n’est pas ?… » reprenait-elle. « Et pourquoi cela ne serait-il pas ?… N’apprend-on point tous les jours, par un scandale absolument inattendu, des secrets que l’on n’aurait pas même imaginés comme possibles dans certaines existences ? Tromper, c’est jouer la comédie, c’est feindre un personnage que l’on n’est pas… Et puis, Liébaut est un excellent, un brave garçon, mais qu’il est commun ! Qu’il est lourd ! Si un homme réalise le type du mari trahi, c’est bien lui… La rancune de la veuve pour le mariage heureux de sa sœur ne la rendait pas d’habitude très indulgente pour son beau-frère le médecin. Elle la retrouvait, cette rancune, au service de ses iniques soupçons : « Mais, pour que Madeleine le trahît, il faudrait qu’elle eût Brissonnet pour complice… Pour complice ? Alors, les attitudes de Louis avec moi, ses regards, ses silences, où j ‘ai cru deviner tant d’émotions cachées, seraient autant de mensonges ! Non, je ne veux pas croire de lui cette infamie. Je ne le veux pas… Au contraire, s’il a deviné que Madeleine l’aime, tandis que lui ne l’aime pas, cette idée ne suffit-elle pas à expliquer qu’il n’ose pas se déclarer ?… Oui. La voilà, la vérité… C’est la raison pour laquelle Madeleine a tant changé depuis ces dernières semaines. Elle voit que Louis m’aime, et elle, elle