Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/131

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travailler François en l’admirant de son inlassable patience. Elle avait aussi admiré son dévouement envers ses malades, les noblesses de son désintéressement, mais tout le domaine technique où son mari vivait en pensée lui était resté fermé, et depuis quelque temps hostile. C’est le danger qui menace les ménages des hommes trop profondément enfoncés dans des recherches d’un ordre trop abstrait. Quand ils ont épousé une femme très simple, elle se résigne à jouer auprès d’eux le rôle de la Marthe de l’Écriture : « Elle allait s’empressant aux divers soins du service. » Mais il arrive que cette Marthe, une fois sa besogne finie, voudrait devenir Marie, celle qui « s’asseyait aux pieds du Seigneur, pour écouter sa parole » et qu’elle est malheureuse de ne le pouvoir pas ! Plus simplement et sans métaphores, Madeleine Liébaut était de celles qui, pour être tout à fait heureuses dans le mariage, ont le besoin d’une union absolue, totale, des cœurs et aussi des esprits. Faute de cette union, inconciliable avec un pareil métier et de pareilles recherches, elle s’était très tôt sentie un peu solitaire, même entre ses deux enfants, et auprès de ce compagnon qui dépensait toute son intelligence à écrire des pages emplies de ces « cas » abominables, enchantement des cliniciens. Quelques-uns de ces « cas » étaient quelque chose de plus pour la mère. On se rappelle que sa petite fille avait souffert, à la suite de rhumatismes,