Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/133

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la perspicacité jalouse avait déjà tant effrayé Agathe.

Quand Agathe entra dans le salon, son premier regard lui apprit ce qu’elle avait pressenti : la visite de son beau-frère annonçait un événement extraordinaire. Lequel ? Le visage du médecin, grave d’habitude, mais d’une gravité distraite et vague, celle de l’homme qui suit ses idées, était comme tendu, comme contracté par un rongement de soucis. En même temps, l’émotion de l’entretien qu’il se préparait à provoquer avec la sœur de sa femme lui donnait une inquiétude dont la fièvre se reconnaissait à ses moindres mouvements. Ses doigts se crispaient sur le dos des meubles, autour des bibelots qu’il prenait et reposait sans les voir. Ses paupières battaient sur ses yeux, qui n’osèrent pas d’abord se fixer sur son interlocutrice. La conversation à peine engagée, ce fut au contraire, de sa part, cette ardente, cette prenante inquisition des prunelles, qui ne veulent pas laisser échapper le plus petit signe, dans leur avidité de savoir… De savoir ? Mais quoi ? Obsédée elle-même par les pensées que l’entrevue de cette après-midi lui avait infligées, comment Agathe n’eût-elle pas aussitôt soupçonné la vérité ? Son beau-frère était venu chez elle, avec le projet de lui parler des relations de Madeleine et de Brissonnet. Pour lui non plus, ces relations n’étaient donc pas claires ?… La