Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/142

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cet esprit professionnel aboutit à des lucidités littéralement foudroyantes pour ceux ou celles qui en sont l’objet, et Agathe écoutait avec une stupeur déconcertée Liébaut reprendre :

– « Vous mentez, Agathe, et vous mentez mal. Si c’était vrai que M. Brissonnet ne fréquentât notre milieu ni pour vous ni pour Madeleine, vous ne seriez pas émue comme vous l’êtes, en me répondant… Tenez, » insista-t-il ; et lui saisissant la main, il lui mit le doigt sur le pouls avant qu’elle eût pu se soustraire à ce geste d’inquisition… « Pourquoi votre cœur bat-il si vite en ce moment ?… Pourquoi avez-vous là, dans la gorge, un serrement qui vous force à respirer plus profondément ?… Pourquoi ?… Je le sais et je vais vous le dire. Vous aimez le commandant Brissonnet. Vous l’aimez… Si j’en avais douté, je n’en douterais plus, rien qu’à vous regarder maintenant…

– « Du moment que vous pensez ainsi… » répondit Agathe en se dégageant… « je ne comprends plus du tout votre démarche, permettez-moi de vous le dire, François. J’ajoute qu’il y a des points auxquels un galant homme doit toucher très délicatement dans un cœur de femme, fût-ce celui d’une belle-sœur, et vous venez de manquer à cette délicatesse élémentaire.

Que j’aime ou non M. Brissonnet, quel rapport y a-t-il entre ce sentiment qui me concerne seule, s’il existe, et la question que vous m’avez posée ? … »