Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/150

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fois mariés, voyagez. Vous êtes riche, vous êtes indépendante. Ayez pitié de votre sœur, ayez pitié de moi, et qu’il s’écoule du temps, beaucoup de temps, avant que Madeleine ne le revoie… Ou bien cet homme ne vous aime pas, et alors… » Ici la voix du mari jaloux se fit singulièrement âpre et sourde : « c’est qu’il aime Madeleine… » Il insiste, sur un geste de son interlocutrice. « Oui, il aime une de vous deux. Sa conduite n’a pas d’autre explication, à moins d’admettre, ce que je me refuse à croire, que c’est un misérable et un suborneur. Dans ce cas, ce serait à moi d’agir… »

– « Que voulez-vous dire ? » interrogea Mme de Méris, soudain toute tremblante. Elle venait de voir dans sa pensée son beau-frère et celui qu’elle aimait en face l’un de l’autre, une provocation, un duel. « Que ferez-vous ? »

– « La démarche la plus simple, » répondit Liébaut, redevenu soudain très calme. Il se voyait, lui, dans son esprit, parlant en homme à un homme, et cette vision lui rendait le sang-froid des explications viriles ; « la plus simple, » répéta-t-il, « et la plus légitime, la plus indispensable. Je procéderai de la façon la plus courtoise pour commencer, et sans menaces. J’aurai une conversation avec M. Brissonnet. Je lui dirai que ses assiduités chez vous et chez nous ont provoqué des commentaires. J’en appellerai à son honneur… J’espère encore que ce premier entretien suffira… »