Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/172

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tromper la perspicacité de son mari afin de l’épargner. Hélas ! il suffisait que le médecin entrevît cette seule chance d’une généreuse imposture pour qu’il passât outre à tous les scrupules et il répéta : « Redis-moi que tu ne l’aimes pas. »

– « Encore, » fit-elle dans un geste accablé et d’une voix brisée. « Tu ne m’as donc pas fait assez de mal avec cette idée, en m’atteignant dans l’affection qui m’était la plus chère après la tienne ?… Je suis ta femme, mon ami, ta femme fidèle, et j’aime mes enfants… »

– « Ah ! » gémit-il, « ce n’est pas répondre… »

– « Hé bien… » commença-t-elle d’un accent plus ému encore.

– « Hé bien ?… »

– « Hé bien, non, je ne l’aime pas… » dit-elle.

– « Mais ta mélancolie, ces derniers mois, depuis ton retour de Ragatz, ta maladie, tes silences… Qu’avais-tu si tu n’avais pas un chagrin qui te rongeait ?… Mais ton évanouissement de tout à l’heure ?… »

– « Et c’est toi qui me poses des questions pareilles, » interrompit-elle, et trouvant la force de sourire, « toi, un médecin ?… C’est vrai. Je ne suis pas bien forte depuis ces quelques semaines. Mes nerfs me trahissent souvent… Ce serait à toi de savoir ce que j’ai et de m’en guérir. Tu préfères me rendre plus malade… »