Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/178

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et de sacrifices follement, passionnément généreux. Dans sa honte d’avoir acquiescé, ne fût-ce qu’un instant, au projet d’espionnage suggéré par sa belle-sœur, François Liébaut éprouvait le besoin d’attester à sa femme, par un signe tangible, son absolu, son total retour de confiance. Lui qui n’avait pas repoussé, une heure auparavant, l’idée de se cacher, comme un policier, pour surprendre la conversation de Brissonnet avec Madeleine et les vrais sentiments de celle-ci, la seule perspective d’être en tiers dans leur entrevue lui faisait horreur à présent. Toute fine qu’elle fût, la charmante femme se trompa sur cette nuance de la plus illogique des passions. Elle demeura décontenancée, en se demandant si son mari ne lui tendait pas de nouveau un piège. Cette insistance à vouloir qu’elle exécutât la promesse faite à Mme de Méris n’était-elle pas une autre épreuve ? Elle calomniait ce cœur admirable dans lequel aucune duplicité n’était jamais entrée. Aussi fut-elle touchée aux larmes de sa réponse. Tant de délicatesse s’y mêlait à tant d’aveuglement !

– « Nous n’aurons pas un entretien avec M. Brissonnet, » dit-il, en reprenant les termes mêmes dont s’était servie sa femme et les soulignant par son accent. « Je ne serai pas là. Je ne veux pas y être. C’est toi qui verras le commandant et toi seule… C’est le gage que j’exige de