Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/211

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avait deux femmes dans sa vie et qu’elles l’apprenaient, on les gardait, monsieur, fût-ce deux sœurs. On leur ordonnait de rester bonnes amies, et elles obéissaient ! Je parierais vingt-cinq louis que ce nigaud-là n’a même pas été du dernier bien avec les deux !… »

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Que ces « mots de la fin » de son roman seraient amers à Louis Brissonnet s’ils arrivaient jusqu’à lui ! Mais les soupçonnera-t-il jamais et reviendra-t-il des lointaines contrées où il s’est exilé, pour ne plus revoir ces profonds, ces beaux yeux de femme derrière lesquels il avait deviné une âme digne de la sienne, – une âme tendre et courageuse, passionnément aimante et passionnément fière ? Le souvenir de la terrible scène qui l’a pour toujours séparé de Madeleine ne lui permet plus de croire à cette âme et à ces yeux. Il est arrivé à la conclusion que les deux sœurs se sont jouées de sa naïveté afin de l’attirer dans un vulgaire piège conjugal. Et cependant, quand il évoque, sous le ciel de l’Extrême-Orient, l’image de cette adorable amoureuse qui, n’a voulu être qu’une sacrifiée, un instinct s’éveille en lui, plus fort que l’évidence. Il devine un mystère, lui aussi, et, comme il n’est pas du monde, il entrevoit la vérité. Faut-il lui souhaiter de la connaître jamais tout entière ? Oui, maintenant qu’il s’est repris à aimer de nouveau son métier