Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/39

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au cabaret, les dîners en ville, et le reste ?

Ce léger « crayon » d’un survivant d’une génération quasi disparue, fera comprendre aussitôt le petit éveil d’idées qui commença d’agiter la tête de Madeleine, lorsque, remise de son premier saisissement, elle se fut assise à sa place, avec le souvenir des repas pris à cette même table, pendant ces deux semaines, vis-à-vis d’Agathe.

– « Je vais écrire cela, dès demain, à ma sœur, » se disait-elle, « que le monsieur deux fois mal élevé, comme elle l’a appelé, dîne ce soir avec Favelles !… Cette fois, je suis sûre de savoir qui c’est. Favelles est en train de lui faire les honneurs de mon pauvre moi… Sinon, causerait-il avec ces précautions, en se penchant, et confidentiellement ? Est-il écrit en assez gros caractères, le cher homme ?… Que c’est singulier pourtant ! Je songeais tout à l’heure à ces rencontres aux eaux qui bouleversent toute une vie. Il y a vraiment quelque chose d’un peu fantastique dans cette coïncidence que le baron se trouve connaître quelqu’un qui nous a frappées ce soir, Agathe et moi, dont nous avons parlé comme nous en avons parlé… Oui, quel étrange concours de petits événements tout de même ! Cinq minutes plus tard, le train était parti. Nous n’avions pas vu cet homme durant tout le séjour d’Agathe à Ragatz. Il ne l’avait pas vue, lui non plus. Et il faut qu’il vienne porter une lettre à la gare juste à temps