Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/52

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Favelles lui a parlé de le présenter. Son incorrection de la gare lui aura fait honte. Il aura craint que je ne lui en tienne rigueur. Cette susceptibilité prouve que ce soldat déterminé conserve une âme toute neuve, toute fraîche. Elle prouve aussi que notre rencontre à la gare lui a fait une impression… Notre ?… Non. Encore une fois, il n’a vu là-bas que ma sœur. Elle était à la fenêtre du wagon, regardant du côté où il venait, et moi je lui tournais le dos… D’ailleurs, quand il nous aurait remarquées toutes les deux, nous nous ressemblons tellement, qu’en ce moment je le défierais bien de nous distinguer l’une de l’autre… À cause de cette ressemblance, il restera. Si c’est ma sœur qui l’a frappé, il voudra la revoir en moi… La revoir en moi ?… La revoir en moi ?… » Elle se répétait ces mots tentateurs, indéfiniment, et, toute songeuse, elle continuait : – « J’ai encore dix jours à passer ici, pourquoi ne pas en profiter ? Si le commandant Brissonnet a vraiment remarqué Agathe, il voudra se lier avec moi à cause d’elle. Je m’y prêterai… Ce ne sera pas de la coquetterie. Il s’agit seulement de lui donner le désir et la possibilité de venir chez moi, à Paris. Il viendra chez moi. Il y retrouvera ma sœur. Je m’effacerai alors… Ce sera à lui de se faire aimer… Et si, pendant ces dix jours, cette ressemblance est la cause qu’après avoir admiré Agathe à la gare, c’est de moi qu’il devient amoureux ?…