Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/54

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Mme Liébaut se doutait si peu du secret sentiment caché au fond, très au fond de ce romanesque projet, que sa première action le lendemain fut d’en écrire longuement à son mari. Elle lui envoyait ainsi chaque jour une chronique de sa vie aux eaux et de la santé de leur fille. Ce matin encore elle vit en pensée le médecin recevant cette lettre, au moment de sortir. Il l’ouvrirait dans le coupé de l’Urbaine à deux chevaux qui le menait à son hôpital. Liébaut était attaché au service de la Pitié. De là il courait à travers Paris de visite en visite. Ces quatre pages d’une fine écriture seraient lues entre deux séances de douleur. Elles seraient le viatique quotidien, la petite joie de cet homme excellent, que Madeleine croyait aimer, qu’elle aimait réellement, mais d’une de ces affections dont l’accoutumance a fait une simple amitié. L’honnête femme sourit à cette image qui lui représentait le compagnon de sa vie, dans l’exercice de son accablant métier. Cette physionomie du praticien, déjà usé à quarante-trois ans par l’excès du travail et l’absence totale d’exercices physiques, n’avait rien de commun