Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/65

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qu’elle restait, même dans son romanesque : elle ne savait de Brissonnet que ses actions d’éclat. Elle ignorait tout de sa famille. Quand le soir, elle se retrouva de nouveau avec Favelles, après dîner, elle employa des ruses de diplomate à l’interroger sur les origines du commandant, sans avoir l’air de s’y intéresser.

– « C’est là le malheur, » répondit Favelles. « Il vient d’en bas. Il a brûlé l’étape, comme on dit. Ses parents étaient des cultivateurs près de Périgueux. Ils ont fait de gros sacrifices pour l’élever. Je rends à Brissonnet cette justice : il n’en rougit point. Il vous raconterait lui-même, s’il vous connaissait mieux, le dévouement de ce père et de cette mère – qu’il a perdus, voyez quelle épreuve, pendant qu’il était en Afrique ! … Pourtant cette humble origine se sent à des nuances. Ainsi la façon dont il nous a quittés ce matin… Ah ! si je pouvais en faire un homme du monde ! Avec sa tournure, s’il arrivait simplement à comprendre quelle force c’est de se mettre en habit tous les soirs… ! » Quand l’ancien sous-préfet prononçait de ces formules, le sérieux de son rouge et important visage d’ex-viveur et d’ex-fonctionnaire était vraiment impayable. « Il ferait le mariage qui lui plairait, d’autant plus qu’il n’a pas de mauvaises manières. Il a des façons dignes, dans leur maladresse. Ça, c’est le soldat. Il est pauvrement mis, mais soigné sur lui. Ce